Vocations : l’engagement qui désengage

Suite de Vocations : une crise majeure et profonde

De nos jours, de nombreux prêtres, évêques et autres autorités appellent les laïcs et notamment les jeunes à s’engager dans le monde, à s’engager en politique. Le combat Ad Majorem Dei Gloriam devient le combat à la plus grande gloire de l’homme et de la loi naturelle. Loin d’emmener les laïcs dans les profondeurs spirituelles, les sermons envoient de plus en plus avant dans les réalités temporelles. Voilà qui plaît au démon ! Analysons la situation.

L’avortement, les lois sur le mariage contre-nature, l’adoption par les « couples » homos, les horreurs contre la bioéthique, la soit-disant « mort dans la dignité », la sédation qui mènera bientôt au suicide médicalement assisté, le travail dominical, toutes ces lois iniques à l’encontre des commandements de Dieu, tout ceci provoque en chaque âme vraiment chrétienne un horrible dégoût et ce dégoût, ce désir de justice, de paix, de vérité est bon.

Alors des jeunes s’engagent de toute leur âme dans le combat, dans la lutte, certains prêtres même parlent de l’engagement politique comme d’un sacerdoce ! Voilà déjà une première confusion, mais nous y reviendront plus tard. Oublieux d’eux-mêmes, certains jeunes engagés et de bonne volonté demeurent célibataires ou retardent le moment de faire un choix de vie. La voix du monde et de ses luttes étouffe la voix de Dieu qui appelle… Alors, voyant que les masses se soulèvent, chacun essaie de faire fleurir sa petite chapelle. Ainsi au lieu d’un groupe uni et fort, de petits mouvements divers se créent (ainsi que les conflits d’intérêts et d’argent) : telle paroisse ou fraternité sacerdotale soutiendra plutôt tel mouvement, une autre poussera un groupe de laïcs fidèles à créer leur propre structure etc.

Le succès est au rendez-vous ! Même si ce ne sont pas des succès réels, concrets et impactant sur la vie politique nationale, on jaugera le succès au nombre de participants, au nombre d’invitations sur tel ou tel média alternatif, la visibilité et la popularité sur les soit-disant réseaux sociaux et… sur la collecte de dons bien évidemment.

« La prospérité enchaîne l’homme au monde. Il croit y avoir trouvé sa place, alors qu’en fait, c’est le monde qui a trouvé sa place en lui. Sa réputation grandissante, son cercle d’amis qui s’élargit sans cesse, le sentiment de sa propre importance, la pression croissante d’un travail absorbant et agréable – tout cela créer en lui le sentiment qu’il est bien chez lui ici-bas. Et c’est exactement ce que nous souhaitons […] notre meilleure tactique pour les attacher à la terre est de leur promettre le ciel sur la terre, dans un avenir plus ou moins éloigné, grâce aux réalisations de la politique ou de la génétique ou de la « science » ou de la psychologie ou de je ne sais quoi encore. » Comme cette leçon de Screwtape, démon chevronné qui apprend le métier de tentateur à son neveu débutant [1] nous éclaire sur la situation actuelle !

Ainsi les âmes totalement absorbées dans les luttes ne pensent plus véritablement à leur conversion, à leur salut personnel, à leur vie spirituelle et d’union à Dieu tout simplement et ce justement au nom du combat pour Dieu. La voix du monde étouffe la voix de Dieu qui dit « Quitte tout, suis-moi ! » L’oraison est remplacée par les prières « en ligne » sur internet. On allume des cierges virtuels sur les plateformes des sanctuaires. On se fait un point d’honneur de ne pas avoir la télévision, mais on enchaîne le visionnage de vidéos sur Youtube, et l’on continue le combat virtuellement sur internet, à coup de tweet contre les twat.

Suivons l’enseignement de saint Paul (I Co. VII, 29-32) : « Frères, je vous le déclare : le temps est court. Dès lors, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient point, ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui ont de la joie, comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car elle passe la figure de ce monde. Or, je veux que vous soyez libres ».

La vie religieuse, consacrée ou sacerdotale, est le signe de la fugacité de ce monde. Elle est le témoignage pour le monde que celui-ci n’est que passager et que notre vraie patrie se trouve auprès de Dieu. Le rôle des consacrés est de ramener les fidèles aux réalités d’en haut, celui des prédicateurs de prêcher les vérités révélées et enseignées. Si cette question de l’engagement politique est compliquée déjà pour les fidèles, combien l’est-elle davantage encore pour les consacrés lorsque eux-mêmes appellent à l’engagement dans le monde et dénigrent ainsi inconsciemment leur propre engagement envers Dieu et envers les âmes ? Quel poids alors, face à Dieu, la prière liturgique de « suppléance » (l’office divin) prend-t-elle ? N’est-ce pas une fuite puisque ayant quitté le monde ou l’esprit du monde, il y a le danger mortel de vivre « par procuration » au travers des laïcs jusqu’à conduire petit à petit à l’abandon définitif de l’état religieux ou sacerdotal…voire aux scandales que nous connaissons. Ne regardons pas en arrière de peur d’être nous aussi changés en statues de sel. Ne soyons pas des chrétiens engagés mais des chrétiens dégagés !

Marie-Madeleine

[1] C.S. Lewis, Tactique du diable, Lettres d’un vétéran de la tentation à un novice, 1942 (1ere éd.)





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