« Non possumus ! »

En commentaire des élections européennes La Croix (27 mai), journal officieux de l’épiscopat écrit : « Emmanuel Macron peut dire merci aux catholiques pratiquants. Selon un sondage Ifop pour La Croix, 37% d’entre eux ont voté pour la liste Renaissance. Un chiffre qui monte à 43% chez les pratiquants réguliers. Ce résultat [est] très supérieur à celui de l’ensemble des électeurs ». On pourrait donc se dire catholique et en même temps plébisciter Macron puisque tel était le sens donné à ces élections ?

Aux âmes simples tout est simple. Le catho vrai a sous la main un truc très sûr pour savoir quoi penser, non du for intérieur de Macron qui ne regarde que Dieu et lui, mais de son action politique. Je veux parler du Décalogue. « Tu honoreras ton père et ta mère » dit le 4e commandement. Macron, qui a mis la fessée hors la loi, exhorte les enfants à rééduquer leurs parents (prélude à l’euthanasie l’âge venant ?). Il est bien décidé à achever par la PMA généralisée – plus de père – et la GPA à venir – plus de mère -, l’abolition de la famille entamée par ses prédécesseurs. La piété filiale demande plus largement qu’il soit rendu « honneur, affection et reconnaissance aux aïeux et aux ancêtres » [1], cette longue lignée de pères à qui nous devons d’avoir une patrie. Prompt à condamner tout sentiment national chez les « Gaulois réfractaires » comme chez les Hongrois, Macron ne nous a pas envoyé dire qu’il n’y a pas de culture française. Moyennant quoi il prétend « reconstruire » Notre-Dame de Paris (qui n’est pas une cathédrale a jappé Castaner dans son sillage), embellie par un « geste contemporain ». Macron nous dépouille en même temps de notre patrimoine immatériel et de notre patrimoine matériel. Ministre de l’Economie de Hollande, il a bazardé, entre autres, la firme Alstom dans des conditions obscures et s’apprête à en faire autant des aéroports de Paris. Il est prêt à céder à l’Allemagne le siège de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU et à Madagascar les iles Eparses de l’Océan indien. Or, « ces Français, dit Dieu, quand ils n’y seront plus, il y a des choses que je fais que plus personne ne comprendra » [2]. Serait-ce l’ultima ratio de la hargne macronienne ?

Du 5e commandement, « Tu ne tueras point », Macron n’en a rien à fiche. Oh  certes ! il n’opère pas lui-même. Des hommes de main placés aux postes ad-hoc se chargent de la sale besogne. Elle n’est pas forcément sanguinolente. Par des emprisonnements et des amendes bien dosés, les tribunaux brisent la vie de celui qui, Gilet jaune ou Identitaire, ne marche pas. Un cran au dessus, la police a carte blanche pour attenter à l’intégrité physique dont ce commandement exige le respect (CEC 2297). On sait maintenant que Macron régnant, user de son droit à manifester c’est risquer d’être éborgné (6 opérations prévues pour reconstituer le crâne d’une Fiorina de 20 ans), de devenir manchot (pour un chauffeur routier, c’est la fin de la route) ou d’avoir les côtes cassées. La toxicité du gaz dit lacrymogène répandu à profusion va quant à elle générer des pathologies graves selon des études – menées à l’étranger bien sûr. « On ne parle pas de violences policières dans un Etat de droit » a dit Macron. Elles sont pourtant si indéniables qu’il a fallu ouvrir enquête au moins sur quelques policiers (certains ont néanmoins été décorés par Castaner le 14 juillet). Soit dit en passant 42 policiers se sont suicidés cette année. Last but not least, trois personnes ont été tuées. Deux gratuitement : une grand-mère marseillaise « flashballée » à sa fenêtre et Steve noyé dans la Loire. Vincent Lambert l’a été pour raison d’Etat affichée. Quand la Cour d’Appel a ordonné la reprise de l’alimentation et de l’hydratation, seules choses nécessaires à ce handicapé, le ministre de la Santé a interjeté appel. Le procureur Molins a requis, et obtenu, la mort au motif qu’ « ériger la vie en valeur suprême serait remettre en cause la loi Leonetti et le droit à l’IVG ». Un résumé de cette culture de mort dont saint Jean-Paul II parlait dans son encyclique Evangelium vitae. Pour un catho vrai la messe est dite.

Quant au 8e commandement « Tu ne mentiras pas »,  tant de faits avèrent que la République en marche carbure au mensonge que le commentaire parait superflu. Macron prétend traquer les « fakes news » (bobards in french) et « en même temps » lui, ses hommes de main et son parti godillot en sont les plus gros producteurs. Sa porte-parole, Mme N’Diaye, celle qui confond cérémonie officielle et soirée pyjama, est pour. Le procureur de Nice aussi qui, obligé de s’incliner devant les faits, reconnaît sans plus de façon avoir menti dans l’affaire Legay. Auditionnés dans l’affaire Benalla, trois des plus proches collaborateurs de Macron se sont parjurés si effrontément que la commission d’enquête du Sénat a porté plainte (affaire classée évidemment). Macron invente une main de Poutine sous les Gilets Jaunes et décide que les huées du 14 juillet s’adressaient à l’armée. Jamais en reste, Castaner invente un assaut de l’hôpital de la Salpêtrière. La Macronie féroce et bouffonne en même temps, ment par invention et omission, nie ou manipule le réel, bidonne les chiffres. Autant de vessies que le catho vrai ne prend pas pour lanternes car « Celui qui a mis sa confiance dans le Seigneur, dit le psalmiste, aura l’intelligence de la vérité » et il tient du Christ lui-même le nom du père du mensonge, meurtrier dès le commencement (Saint Jean VIII, 44).

Les points soulevés ici ne sont pas des matières à option pour qui se veut en communion avec l’Eglise. Enfin, celle du Christ parce que l’Eglise-qui-est-en-France  s’est bornée pour ces élections européennes, à un communiqué « poncifiant » qui, entre autres curiosités, joue résolument sur l’équivoque Europe/Union européenne, ce machin qui s’est défendu d’avoir des « racines chrétiennes ». Pour ma part je ne connais pas, dans mon entourage et au-delà, de ces catholiques manifestement atteints de dissonance cognitive qui au sortir de la messe vont urner pour Macron. Ils existent pourtant puisque les sondeurs de l’Ifop en ont rencontré. Ils seraient motivés, dit-on, par le souci de leurs intérêts et/ou leur goût pour l’ordre quel qu’il soit, dont ils croient bien à tort que Macron est le garant. Tout le portrait du bourge antipathique. Si c’est exact à eux de voir. Reste que Tartuffe est de tous les temps, mais il devient un problème quand il sert de prétexte au premier venu, trop content de l’aubaine, de mettre tous les catholiques dans le même sac. Au pays du petit père Combes c’est du gâteau. Il va de soi que, pour l’honneur de Dieu et le sien, un catholique ne peut que redire à la suite du Père Félix [3] : « Il y a au fond des âmes depuis que Jésus-Christ en a pris l’empire, cette parole plus forte que la puissance des rois : Non possumus. Vous nous demandez de placer notre conscience sous le sceptre d’un homme : Non possumus. Vous demandez de sacrifier à la volonté d’un homme une seule pensée de Jésus-Christ : Non Possumus. Nous pouvons abdiquer ce qui est de nous mais abdiquer ce qui est de Jésus-Christ jamais ! Non possumus. » Ainsi soit-il.

A. de P.

[1] Catéchisme de l’Eglise catholique, Mame-Plon, 1992, n° 2199

[2] Charles Péguy, Le mystère des saints Innocents, Paris, Gallimard, 1936

[3] Célestin Joseph Félix Rougier s.j. Brillant prédicateur, il prit la suite du Père Lacordaire en 1852 pour donner les conférences de Carême à Notre-Dame de Paris. « Non possumus ! » est une allusion à la réponse de saint Pierre et de saint Jean aux princes des prêtres qui voulaient leur interdire de prêcher l’Évangile (Actes des Apôtres IV, 19-20)