Il faut nous glorifier dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; en qui est notre salut, notre vie et notre résurrection, et par qui nous avons été sauvés et délivrés. Que Dieu ait pitié de nous et qu’il nous bénisse ; qu’il fasse luire sur nous la lumière de son visage et qu’il nous fasse miséricorde.
L’Introït du Jeudi Saint résonnait de façon toute particulière cette année, nous renvoyant au parallèle que nous faisions la Semaine Sainte précédente entre la Passion du Christ et les calamités de notre pays [1] : rétrospectivement, l’incendie de Notre-Dame apparaît comme le premier des derniers avertissements à une France gagnée par l’apostasie du monde. Vite remise de son émotion, la Fille aînée de l’Eglise ne s’est pas amendée, le mal progressant toujours en son sein, moins du fait de la perversité des méchants que de la pusillanimité des « justes ». Alors en Père aimant, Dieu châtie à nouveau ses enfants, les privant sensiblement de Sa protection contre les conséquences de leur inconduite.
Une petite étincelle a suffi pour faire sauter la poudre qu’un monde sans finalité avait accumulée inconsidérément depuis des décennies. Une aile de chauve-souris, une écaille de pangolin, et Babel est ébranlée, exposant en pleine lumière les manigances sordides de ses affidés [2]. Mais l’Église reçoit également sa part de châtiment selon une pédagogie divine dont se lamentait déjà le psalmiste (Psaume LXXIII, 7-10) :
Ils ont mis le feu à Votre sanctuaire ; ils ont renversé et profané le tabernacle de Votre Nom. Ils ont dit dans leur cœur, eux et toute leur bande : « Faisons cesser dans le pays tous les jours de fête consacrés à Dieu ». Nous ne voyons plus nos étendards ; il n’y a plus de prophète, et on ne nous connaîtra plus. Jusques à quand, ô Dieu, l’ennemi proférera-t-il des insultes ? L’adversaire outragera-t-il sans fin Votre Nom ?
Autant de plaies périodiquement subies dans le passé mais vécues aujourd’hui simultanément à l’échelle mondiale, réveillant dans l’inconscient collectif de l’humanité les angoisses de l’Apocalypse : épidémie, famine, guerre et asservissement.
L’épidémie de Covid-19, considérablement aggravée par l’impéritie et la corruption des gouvernements, met en lumière le dévouement de bien des personnes et l’importance vitale des fonctions qu’elles exercent. Lorsqu’il est question de vie ou de mort, il est naturel que la santé, la sécurité et l’approvisionnement, tout ce qui contribue à la sauvegarde du corps, soient privilégiés et honorés. Cela devrait être d’autant plus le cas pour la sauvegarde de l’âme mais force est de constater en l’occurrence, que l’Eglise n’assure pas pleinement ses fonctions traditionnelles en temps de calamités, notamment en France où l’on parle, encore à mots couverts, de véritable désertion.
En effet, si le décret du lundi 23 mars 2020 (publié au JORF le 24) interdit explicitement les « rassemblements » dans les églises hormis les funérailles [3], cette disposition était déjà appliquée en maints diocèses de France où les messes dominicales du 22 mars furent suspendues suite à des recommandations de la Conférence des Evêques de France. On aurait apprécié que « l’Eglise en France » ne prenne pas ainsi les devants d’un gouvernement qui n’a cessé de gérer cette crise « à la gaffe », accumulant les instructions contradictoires pour dissimuler son amateurisme et sa lourde responsabilité dans la gravité de l’épidémie. Sur le fond, comme l’a notamment remarqué Mgr Ginoux, cette entrave à la célébration publique est d’autant plus contestable que de nombreux magasins restent ouverts. Avec un peu d’organisation (quitte à biner, triner et même, ô sacrifice, à renoncer à la concélébration), il serait tout-à-fait possible de multiplier les messes en groupes restreints dans des églises assez vastes pour respecter les règles sanitaires. Puisque le décret du 23 mars admet encore vingt participants à des funérailles, cette autorisation aurait sans doute pu être étendue à la célébration de la messe, si l’Eglise avait fait preuve d’un peu de détermination face aux autorités civiles. Il est tout de même navrant que le Covid-19 ait conduit à la suspension du culte public, ce qui n’avait pas été le cas lors de grandes épidémies du passé.
De même, l’ouverture et la visite des lieux de culte restant autorisées [4], les fidèles pourraient se recueillir, se confesser, communier, sans créer de rassemblement, s’ils ne trouvaient souvent portes closes, même en dehors des horaires de messe privée. Tout pasteur sait pourtant qu’en ce domaine, c’est l’offre qui précède la demande : voyant une église ouverte on y rentrera, ne serait-ce que pour allumer un cierge comme notre grand-mère nous l’avait appris et la seule vue d’un prêtre veillant [5], physiquement (et non virtuellement) présent, suscitera peut-être en nous l’envie de nous confesser de nos dernières années d’égarements.
Jusqu’aux funérailles, l’Eglise va au-delà des prescriptions de l’Etat que l’on ne peut pourtant pas suspecter de lui être favorable : alors que les obsèques sont autorisées jusqu’à vingt personnes, des évêques interdisent toutes funérailles dans les églises de leurs diocèses. De bons chrétiens, quand ils ont encore eu la grâce de recevoir les derniers sacrements, sont ainsi enterrés quasiment comme des chiens, sans passer par l’église de leur baptême, de leur mariage (et de leur contribution au denier du culte), avec juste une absoute au cimetière.
Bien des prêtres de terrain souffrent de cette situation et tentent de répondre au mieux aux besoins des fidèles, souvent avec l’accord tacite de leur évêque. Mais psychose et jalousie aidant, on finit tôt ou tard par se plaindre de ces prêtres « criminels » à leur hiérarchie qui s’empresse lâchement de les sanctionner. La peur, qui ne vient jamais de Dieu, contribue ainsi à la dissolution des liens paroissiaux et diocésains : des fidèles dénoncent leur curé qu’en temps normal ils vénèrent ; des prêtres tentent d’inoculer leur propre peur à un confrère zélé par la menace de sanction arbitraire au lieu de suivre son exemple.
Cette veulerie de la hiérarchie ecclésiastique, mainte fois constatée mais qui aujourd’hui scandalise particulièrement les fidèles privés de leurs Pâques [6], n’est pas sans rappeler celle du Sanhédrin qui condamna le Christ. Comme l’avouait Nicodème à Notre-Seigneur, les membres de cette assemblée savaient que l’enseignement de ce dernier était orthodoxe puisque Dieu le confirmait par des miracles extraordinaires [7]. En fait, le Sanhédrin craignait, non sans raison, que le peuple s’unisse derrière Jésus reconnu comme le Messie au point d’inquiéter Rome qui écraserait impitoyablement cette sédition potentielle [8]. Les pontifes et les Pharisiens convinrent donc de commettre une injustice pour sauver la nation et accessoirement l’autorité qu’ils exerçaient sur elle. En cela, ils craignirent moins Dieu que César et n’obtinrent en retour que ce qu’ils pensaient adroitement éviter : le Juste fut glorifié, le Temple détruit et la nation dispersée.
Paradoxalement, nous voyons aujourd’hui les pontifes de l’Eglise du Christ adopter, à l’égard d’un pouvoir politico-médiatique volontiers oppresseur, un comportement ambigu analogue à celui du Sanhédrin envers l’empire romain. Est-ce par naïveté ou par crainte ? Quoi qu’il en soit, Dieu ne saurait tolérer d’être supplanté. Il est ainsi à craindre que cette vision pathétique d’un pape seul devant une place Saint-Pierre déserte relève moins du 3e secret de Fatima que de l’avertissement du Christ au Sanhédrin (Evangile selon saint Matthieu, XXIII, 38-39) :
Voici, votre maison vous sera laissée déserte ; car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais, jusqu’à ce que vous disiez : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
A l’instar de Nicodème et Joseph d’Arimathie au Sanhédrin, bien des évêques n’approuvent pas les orientations contestables de leurs assemblées. Certains, encore trop peu nombreux, n’attendent pas la retraite pour retrouver leur liberté de parole et manifester publiquement leur indépendance d’esprit [9].
Quant à la crainte que l’épidémie actuelle suscite parmi des fidèles au point de se défier de leurs bons pasteurs, on pourrait la rapprocher de celle de la population de Jérusalem qui envoya Jésus à la mort après l’avoir acclamé quelques jours plus tôt. Peur du Sanhédrin ? Peur des Romains ? Peur de partager la condamnation d’un roi souffrant et non la gloire d’un conquérant invincible ? Tout cela à la fois, qui se réduit simplement à la peur de la mort.
Ce sentiment est bien sûr naturel et preuve d’équilibre psychologique mais il n’est pas normal que des chrétiens cohérents, soutenus par la grâce, y succombent aussi irrationnellement. A chaque entrée dans la Semaine sainte, nous sommes conviés à reconnaître publiquement la royauté messianique de Jésus, une palme à la main, attribut distinctif des martyrs victorieux. Se ralliant à sa bannière, nous le suivons jusqu’au Calvaire pour être crucifiés avec Lui en martyrs de la vérité [10]. Notre vie ne nous a pas ainsi été donnée pour être conservée mais pour être immolée en un acte d’amour de Dieu et du prochain [11]. Ceci nous est accessible par la grâce des sacrements qui nous conforment progressivement au Christ. Sans ce recours, la nature l’emportera toujours sur la surnature, et entretenus dans la peur de la mort, nous consentirons à tout asservissement supposé nous faire gagner quelques instants sur l’inéluctable.
Le Covid-19 révèle tant notre peur de la mort que notre fascination du vivant dans laquelle on nous englue insidieusement. « Célébrer le vivant » comme le font aujourd’hui tant de catholiques, entraînés par des pasteurs naïfs ou pervers [12], peut dissimuler une fuite plus ou moins consciente du Vivant et de l’âpreté de Sa Croix salvatrice. Dès lors, le sens du péché s’estompe, toute notion de pénitence, de sacrifice devenant peu à peu inaudible, inacceptable, scandaleuse.
Il ne faut pas chercher plus loin la réticence d’ecclésiastiques à qualifier cette épidémie de châtiment qui trouverait sa cause dans les péchés des individus et des sociétés. On se garde donc d’entrer dans la démarche pénitentielle individuelle et collective attendue de la Justice divine. On peut douter dès lors de l’efficience des bénédictions publiques contre l’épidémie que l’on diffuse complaisamment sur internet [13]. Dans la confession valide, la bénédiction et l’absolution sont inaccessibles sans la contrition et le ferme propos. Sans contrition publique, sans amendement public, le Ciel suspendrait-t-il son courroux ? L’avenir nous le dira mais il semble pour le moment bien mal engagé.
L’abbé
Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera. Et que sert-il à un homme de gagner tout le monde, s’il perd son âme ? (Evangile selon saint Marc, VIII, 34-36)
[1] Cf. Le Glaive de la Colombe, « Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et vos enfants »
[2] La liste est bien trop longue pour être exhaustive mais il est désormais acquis que le Covid-19 offre au commun des mortels l’expérience concrète de la « mondialisation heureuse », de l’Union européenne protectrice (cf. notamment Sputnik France, L’Union européenne survivra-t-elle au coronavirus ?), des accointances de politiques et de fonctionnaires avec des lobbies industrialo-pharmaceutiques qui ne sont peut-être pas pour rien dans l’apparition de la maladie (cf. notamment Europe Israël News, Et si le Coronavirus s’était effectivement échappé du laboratoire P4 de Wuhan ?). Le virus est également le révélateur, et non la cause, du naufrage de la finance et d’une économie mondiale fondée sur la dette. Celle-ci n’étant que de l’impôt différé, ce sont les populations qui au final seront sommées de régler la note (cf. notamment RT France, C’est cash ! Pandémie : une récession historique). Quant aux mensonges de nos gouvernants et de leurs complices médiatiques, d’autres que nous ont déjà cédé à la tentation de tirer sur les ambulances.
[4] Ibidem
[5] Evangile selon saint Luc, XII, 37 : « Heureux ces serviteurs que le maître, à son arrivée, trouvera veillant ! »
[6] Cf. notamment les pétitions qui se multiplient pour la messe et/ou la communion à Pâques
[7] Evangile selon saint Jean, III, 1-2 : « Il y avait un homme, un pharisien nommé Nicodème ; c’était un notable parmi les Juifs. Il vint trouver Jésus pendant la nuit. Il lui dit : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui »
[8] Cf. notamment Mgr Carlo Maria Viganò analyse la réponse de la hiérarchie de l’Eglise à la crise du coronavirus. ; Mgr Athanasius Schneider commente l’arrêt de la célébration publique de la messe ; Coronavirus : l’évêque de Belley-Ars met en garde contre « l’épidémie de la peur » ; Coronavirus : les fidèles partagés sur les mesures à adopter ; Mgr Ginoux : interdire la communion sur la langue est absurde
[9] Evangile selon saint Jean, XI, 47-48 : « Les pontifes et les Pharisiens assemblèrent donc le conseil et dirent : « Que faisons-nous car cet homme fait beaucoup de miracles ? Si nous le laissons aller ainsi, tous croiront en lui, les Romains viendront et détruiront notre pays et notre nation » »
[10] Evangile selon saint Jean, XVIII, 37 : « Pilate lui dit : Tu es donc roi ? Jésus répondit : Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. »
[11] Cf. Le Glaive de la Colombe, S’enraciner pour être moissonné
[12] Sur notamment le label Eglise verte, cf. Le Glaive de la Colombe, De l’Eglise managériale : Eglise verte ou le catho-bobo labellisé
[13] Malachie, II, 1-2 : « Et maintenant, à vous ce commandement ô prêtres ! Si vous n’écoutez pas et si vous ne prenez pas à coeur de rendre gloire à mon Nom, dit Yahvé des armées, j’enverrai chez vous la malédiction et je maudirai votre bénédiction ; déjà même je l’ai maudite, parce que vous ne prenez rien à coeur. »
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