Suite et fin de Macron et les Gilets jaunes : 1) les instruments du dialogue social ; 2) les porte-flingues ; 3) les grosses ficelles
« On appelle dictature un régime dans lequel une personne ou un groupe de personnes disposant d’un pouvoir absolu s’y maintient de manière autoritaire et l’exerce de façon arbitraire. Le caractère absolu du pouvoir se caractérise par l’absence de séparation des pouvoirs (…) l’absence de contrôle démocratique et d’élections libres (répression des opposants politiques, non respect de la liberté de la presse (…) le caractère arbitraire du pouvoir se traduit par le non respect de l’Etat de droit, non respect de le constitution, établissement de lois d’exception » (Wikipedia). La Macronie une dictature ?
On nous serine que le président élu dans les règles n’est pas contestable. En tout cas, ce n’est pas au suffrage universel car il faut être élu par 500 personnes déjà élues pour candidater. Avec tous les petits arrangements entre amis qui vont avec. Ce premier obstacle franchi, ceux qui ne sont pas agréés par la bien-pensance se verront refuser par les banques un prêt pour financer leur campagne. Joue ensuite l’ingénierie du système électoral qui par exemple rend le vote des Français expatriés invérifiable. Pas de problème pour Macron dont la campagne fut marquée par une ahurissante mobilisation de la presse à gages et l’explosion en vol fichtrement opportune du candidat Fillon. Malgré quoi, seuls 18,19 % des inscrits votèrent pour lui au 1er tour. Question légitimité c’est un peu court. Grâce à une frénétique exploitation du repoussoir Le Pen, il obtint 43,61% au 2ème tour, impasse faite sur 25 % d’abstentions et 4 millions de bulletins blancs ou nuls. Une victoire à l’arraché après un combat douteux que l’intéressé a reconnue devant les membres de l’Association de la presse présidentielle (APP) (13/02/2018) : « Je suis le fruit d’une brutalité de l’histoire, d’une effraction ». Comment un quasi inconnu est-il parvenu à l’Elysée sans avoir jamais été élu ni membre d’un parti quelconque ? Selon Aude Ancelin par « un putsch du CAC 40 » [1] – avec, on s’en doute, l’idée d’un retour sur investissement. Selon Marc Endewelde, Macron avait de longue date entrepris de « manipuler » le vrai moteur de la République, ces réseaux de pouvoir et d’influence [2] dont Juan Branco, qui les a connus dit « ces gens ne sont pas corrompus, ils sont la corruption » [3]. Vieille question de la poule et de l’œuf…
De la séparation des pouvoirs la macronie n’en a rien à faire. Le pouvoir législatif est laborieusement simulé par un parti unique, cette « variable principale de tout dispositif totalitaire » (Wikipedia), de 307 députés LREM, novices pour la plupart et dont beaucoup ne semblent pas avoir la lumière à tous les étages. Jusqu’à l’affaire Benalla les pauvres se croyaient « les maitres du monde » [4]. Bien à tort car pour le ministre Darmanin : « c’est comme les chiens (…) vous leur mettez une claque et ils reviennent au pied ». Cinq transfuges confirment : « C’était toujours les chefs de groupe qui nous disaient quoi voter » (Sébastien Nadot). « Au sein de LREM c’était difficile de décrypter et critiquer une loi. Elle était forcément bonne puisqu’elle venait du gouvernement » (Paul Molac). Ne manque même pas le culte de la personnalité : « La majorité de mes collègues ont une relation à Emmanuel Macron comme à un gourou. Ils sont maraboutés » (Jean-Michel Clément). Parodie également de pouvoir exécutif avec le pâle Edouard Philippe dont Macron a dit : « Il me doit tout, je l’ai sorti du ruisseau » [5]. Bref, le chef c’est Manu. « On savait qu’Emmanuel Macron avait pris le pouvoir avec une toute petite équipe, comme un aventurier. On s’aperçoit qu’il dirige aujourd’hui avec la même petite équipe et de façon assez opaque » [6]. Une bande en somme qui, selon encore Marc Endewelde, compte nombre d’individus « inquiétants ». Manu capo di tutti capi ?
La justice, elle, ne s’inquiète pas. Et pour cause. La République a toujours rêvé de la vassaliser. Macron l’a fait. Mme Belloubet, ministre de la Justice, a carrément demandé aux parquets et juges du siège de « s’articuler » avec les préfets pour (mal)traiter les GJ (circulaire du 22/11/2018). Le procureur de Paris, Remy Heitz (choisi par Macron lui-même, une première dans l’histoire de la République) a bien compris qu’il ne s’agissait plus de dire le droit mais de réprimer des dissidents. Par note du 12 janvier 2019 il enjoint d’arrêter les GJ pour qu’ils n’aillent pas manifester. Vu le nombre des personnes relâchées sans suite (après 20 ou 30 heures de garde à vue) la rétention de la plupart d’entre eux est une séquestration pure et simple. Pour mémoire, commise par un agent public, procureur ou policier, elle est passible de 7 ans de prison et 100 000 € d’amende (art.432-4 du Code pénal). Pour les GJ a été inventée aussi la « garde à vue de plein air » (acte VI, 300 GJ captifs 6 heures durant rue Vignon). On peut la préférer aux cellules des commissariats. Outre l’état répugnant des locaux, les GJ y subissent des violences physiques (privation de sommeil, de nourriture, refus de soins) et psychologiques (tutoiement, insultes, menaces, refus de joindre leur avocat ou leurs proches) [7]. Pour inculper tout est bon : doigt d’honneur à un policier agressif, port de la tenue de l’Ecole polytechnique (licite pourtant car n’étant pas un uniforme militaire), fauteuil roulant d’une infirme ou camera de journaliste promus armes par destination, etc. E. Philippe a présenté aux députés le tableau de chasse au 12 février (soit pour 13 samedis de manifs) : 8400 interpellations, 7500 gardes à vue, 1800 condamnations, 1500 jugements en attente, 1300 comparutions immédiates, 316 mandats de dépôt (des blessés pas question). L’appareil judiciaire a entendu l’appel de Mme Belloubet : « Adapter l’organisation des juridictions » demandait sa circulaire : « Chaque parquet, devra maintenir une organisation spécifique {…] une permanence dédiée au traitement des infractions commises en marge du mouvement de contestation ». Arrêté le samedi le manifestant est expédié par la « permanence dédiée » dans les 3 jours. Facile ! D’un côté « la parole des policiers est probante » (circulaire Belloubet). De l’autre un quidam qui souvent découvre l’appareil judiciaire et n’a pas pu préparer sa défense. Eprouvé par les violences subies dans la manifestation puis lors de la garde à vue, humilié de n’avoir pu ni se laver ni se changer, il n’aspire qu’à en finir En dépit d’incriminations fantaisistes et de procédures bâclées, il demande rarement un renvoi. Pleuvent alors des peines extravagantes qui doivent faire rigoler en banlieue (4 mois de prison ferme pour un lancer de pot de rillettes… périmées peut-être). Voilà qui aurait bien plu à feu Lavrenti Béria.
Cette justice expéditive dénoncée par de nombreux avocats [8} est aussi une justice d’exception. Les parquets n’ont à ce jour poursuivi aucun de ces nombreux policiers auteurs avérés de voies de fait, matraqueurs, boxeurs, gifleurs, lanceurs de pavés, qui se permettent de palper les manifestantes, d’introduire leur matraque dans le pantalon d’un manifestant ou obligent un autre à se déculotter [9]. Ils laissent à la seule IGPN le soin « d’enquêter » sur 229 cas (sur les 749 signalements de Allo place Beauvau). En Macronie la fin justifie les moyens employés par les mal-nommées « forces de l’ordre » pour rabattre le gibier GJ. Par un complet dévoiement de la notion d’interpellation préventive [10], le présumé GJ est d’abord débusqué en amont dans les gares de départ, aux péages, etc. S’il y échappe, d’autres barrages l’attendent aux abords du lieu de la manif fût-elle déclarée, avec relevé d’identité, fichage, fouille, confiscations (vols?), verbalisations ubuesques (détention d’un gilet jaune !). Ensuite tout est fait pour provoquer des tensions. Soit le parcours dument accepté est inexplicablement modifié pour pouvoir nasser tout ou partie des manifestants La moindre réaction est taxée de rébellion. Les armes dites de défense peuvent parler. Soit un essaim de policiers charge brusquement la foule sans raison perceptible. S’ensuit une panique à la faveur de laquelle, dans le brouillard des gaz, on frappe et on arrête au petit bonheur. Dans le genre la Salpétrière au 1er mai restera un modèle. A l’évidence la Macronie donne carte blanche à ses Tontons macoutes . Faut-il rire quand, à l’étape Gréoux-les-Bains de sa tournée de thérapie de groupe dite « Grand débat » (7 mars) Macron énonce d’un air pénétré « Ne parlez pas de répression ou de violences policières. Ces mots sont inacceptables dans un Etat de droit ». Moins tartufe, un policier répond à une manifestante bloquée à un barrage lors d’un samedi GJ à Strasbourg et qui réclame son droit à circuler et manifester librement : « A cause de personnes comme vous les lois sont suspendues ».
Réprimer les dissidents ne suffit pas. Le 7 mars Le Monde a rapporté ce propos d’un « proche de Macron » : « Malheureusement il faut prendre en compte l’opinion des peuples ». Donc fabriquer du consentement. C’est le boulot des éditocrates des médias étatiques ou subventionnés par l’Etat quoique possédés par des milliardaires – fonctionnent à plein régime (pour les amateurs, le site Acrimed fait tous les deux mois la recension des désinformations flagrantes). Cependant Macron qu’anime une volonté quasi obsessionnelle de contrôle de la production médiatique reste sur sa faim. En février il a réuni des journalistes pour leur exposer « une vision étonnamment orwellienne de l’information» dit Etienne Gernelle éditorialiste au Point qui en traite sous le titre : Macron ou la tentation de la Pravda (4/02/2019). Bien vu ! Après d’autres, la loi sur les fake-news (bobards in french) a restreint la liberté d’informer en confiant au juge de décider qu’une information contestant la vérité officielle est un mensonge. Cependant au temps du samizdat c’était facile. La Macronie est un gros producteur de fake-news et s’est dotée d’une porte-parole qui « assume parfaitement de mentir pour défendre le Président de la République » mais désormais il y a internet où oeuvrent des médias alternatifs.. Le mensonge sur la Salpétriére a été démonté en 24 heures. Inutile de préciser que la répression cible leurs journalistes. Prés de 90 d’entre eux qui couvraient les manifestations de GJ ont été victimes des violences policières. Début mai 350 ont dénoncé dans une tribune « une volonté délibérée de les empêcher de travailler » par coups, blessures, menaces, insultes, confiscation ou carrément destruction de matériel professionnel. Bien sûr la Macronie s’affaire à parer le danger, surveille, censure, trolle, créée de faux comptes (astroturfing) [11]. Le problème est que la réaction n’intervient qu’une fois le coup parti. Alors en marche vers le délit d’opinion [12]. Il suffira de baptiser « discours de haine » tout propos qui empruntera au glossaire des mots qu’on n’a plus le droit d’employer. La répression sera confiée directement aux « géants du Net ». Macron s’est concerté deux fois avec Zuckerberg , patron de Facebook. .Simple expédient censureur car le Système porte en lui sa propre destruction. Conçue à l’origine comme l’Anneau de Sauron pour « les gouverner tous » la Toile est devenue un monstre incontrôlable.
On nous avait promis le pire en cas d’élection malencontreuse de Marine Le Pen. Sauf que c’est arrivé avec Macron. Au terme de ce tour d’horizon force est de conclure que la Macronie répond à tous les critères de la dictature. CQFD. A y bien regarder Macron n’est que l’accomplissement de la génération Miterrand, celui qui écrivit « Le coup d’Etat permanent » en 1964. Ce qui ne nous rajeunit pas. Qui plus est ce pouvoir sans foi ni loi est détenu par une personnalité inquiétante. Le Pr Adriano Sagatori en avait donné une analyse entre les deux tours de l’élection présidentielle. Revoir la video aujourd’hui ne manque pas d’intérêt [13]. Quoique l’on puisse penser du mouvement des Gilets jaunes, il a eu le mérite de faire tomber les masques. Ce n’est pas beau à voir mais « la vérité vous rendra libres » (Jean, VIII, 31).
A. de P.
[1] https://audelancelin.com/2017/04/20/emmanuel-macron-un-putsch-du-cac-40/
[2] Marc Endewelde, Le grand manipulateur, ed. Stock
[3] Juan Branco, Crépuscule, Massot éditions, p.310
[5] Olivier Beaumont, Les péchés capitaux de la politique, Flammarion
[7] Marion gilet jaune 4 enfants victime de la répression : https://www.youtube.com/watch?v=gNYuGQC1qjM ; Interview de deux interpellées à La Salpétrière : https://www.youtube.com/watch?v=QF_C9VY1WG0 ; Conférence de presse du collectif des 34 de La Salpétrière : https://www.youtube.com/watch?v=zmOyKSYmFr8
[12] https://notrejournal.info/Se-dirige-t-on-vers-le-delit-d-opinion-en-France